La Triton Spirotechnique est bel et bien une montre mythique. Entendez par là, une montre dont tout le monde en a souvent entendu parler mais dont finalement peu de gens ont vue de près. C’est en ce sens que les montres mythiques s’opposent aux montres légendaires…
L’histoire la Triton est bien sûr liée à la société Spirotechnique fondée par le commandant Cousteau. Son mythe est construit sur sa rareté sur le marché du vintage qui laisserait à penser qu’une très petite quantité de ces montres ont été fabriquées et encore moins ont été vendues. Le prix des vintages reflètent bien cette rareté et cette réédition ne va pas arranger les choses.
La genèse
Pour évoquer le mythe, il nous faut d’abord revenir à la genèse.
Fondée au lendemain de la guerre, la Spirotechnique était une société créée par Air Liquide pour commercialiser un détendeur conçu par Jacques-Yves Cousteau et Emile Gagnan appelé le «CG45» pour Cousteau-Gagnan 1945. (aussi appelé Aqualung sur le marché américain).
Cette société a beaucoup contribué à la démocratisation de la plongée civile sportive grâce aux apports techniques du G.E.R.S. (Groupe d’Etudes et de Recherches Sous-marines) fondé par le même commandant Cousteau.
Parmi les équipements dédiés aux plongeurs professionnels de la Spirotechnique, on retrouvait bien entendus des marques de montres de plongée devenues «légendaires» et dont la seule présence dans son catalogue était déjà un gage de fiabilité. On peut citer Doxa, Aquastar, Blancpain, Squale, Auricoste et bien sûr Rolex mais aussi une petite marque française dont le nom est emprunté au batracien «Triton».
Cette montre de plongée française a été conçue en 1962 par un ancien colonel de l’armée française (Jean René Parmentier 1921-1998) et fabriquée à Besançon (la silicon Valley horlogère française de l’époque) par la société Dodane, célèbre pour ses chronographes militaires Type 21.
Le mythe s’arrête là car depuis, personne ne sait vraiment ce qu’est devenu cette marque et aucune information ne nous permet de connaitre le nombre exact de Triton fabriquées depuis cette époque, sauf peut être ce document de signé de Mr Parmentier qui évoque une première commande de 1000 pièces….
Les heureux propriétaires gardent jalousement leur exemplaire au fond du coffre et de temps en temps une licorne apparait au détour d’une petite annonce faisant grimper encore plus les prix …
La renaissance
Après quelques rumeurs, le dossier de presse reçu la semaine dernière était sans équivoque : la marque Triton renaitrait bel et bien de ses cendres. La Spirotechnique revient donc à la surface sous un nouveau nom : la Triton Subphotique.
Ce qui frappe au prime abord, c’est que ces 2 montres se ressemble à s’y méprendre. A part deux ou trois détails, la Subphotique semble être une simple mise à l’échelle de la Spirotechnique passant de 37mm à 40mm. Bien sûr on retrouvera la fameuse couronne à 12 heures protégée par l’anse mobile. Mais si l’on regarde de plus prés, on se rend compte que la version 2015 va bien plus loin que son illustre prédécesseur avec un cahier des charges sans concession : acier 916L, valve à helium, 50 ATM (vs 20 ATM pour l’ancienne), saphir anti-reflet et super Luminova C3.
Parmi les évolutions, la lunette Bakélite rasante d’origine a été remplacée par une lunette en saphir bombée du plus bel effet. En revanche, le plexi bombé de l’époque a été remplacé par un saphir plat. Personnellement j’aurais, peut être, préféré l’inverse …
Autres différences, les chanfreins de l’anse supérieure ont disparus en faveur d’angles vifs et l’aiguille des minutes de la nouvelle version couvre complètement les chiffres des minutes. Ce dernier point qui peut paraitre comme un inconvénient est en fait un avantage si on considère que, sous l’eau, la lecture à privilégier est celle des chiffres de la lunette extérieure.
De près, la montre est très qualitative et on est agréablement surpris par son confort au porté grâce son anse mobile qui épouse parfaitement l’angle extérieur du poignet.
Enfin comme son illustre ancêtre, la Subphotique emboîte un mouvement générique de fabrication suisse (Soprod vs un ETA pour la version des années 60). Ce qui ne pose, bien sûr, aucun problème pour une toolwatch tant que la fiabilité est au rendez-vous. Les mouvements Soprod (Groupe Festina) ont bien sûr fait leur preuve mais ce sont quand même des mouvements connus pour équiper des montres d’une autre gamme de prix (Steinhart, Stowa…).
Epilogue
Malgré ce détail, le dossier de presse répète à qui veut bien l’entendre qu’à l’époque cette montre avait l’audace d’être proposée à un prix supérieur à celui des Rolex.
L’histoire semble ne pas avoir donné raison à ce positionnement puisque la Triton a ensuite complètement disparu des radars.
Les nouveaux repreneurs de la marque semble s’obstiner dans ce positionnement en proposant un prix de vente aux alentours des 5 000 euros. S’invitant dans le cercle très fermé des toolwatch de luxe (Rolex, Panerai, Omega, Audemars Piguet), la Triton va devoir tenir le grand écart sans pouvoir se justifier d’un mouvement de manufacture. C’est un exploit qui n’est pas insurmontable, Panerai a bien commencé avec des mouvements… Unitas !
Nul doute que les 500 premiers exemplaires trouveront leur acquéreur, prêt à payer le prix de l’originalité, avec à la clé, une belle histoire alternative à raconter.
En revanche, ce qui est regrettable pour les autres, c’est que la Triton continuera à être un mythe, à défaut de devenir une légende…
Pour aller plus loin :
Les montres de plongée sur Moonphase
Les montres militaires sur Moonphase
Le retour de la ZRC Grand Fond, la montre du Commando Hubert
Montres néo-rétro - Les Vieilles Choses
Merci pour cette bonne nouvelle. Quelle magnifique montre que la Triton Spirotechnique !
Lagane
Finalement compte tenu du tarif, la Zrc grand fond est plus attractive.
jrm75012
@Lagane :
Surtout que la réédition de la ZRC Grands Fonds est à mon sens bien plus réussie également. Autant j’adore la version vintage de la Triton, autant je trouve que la nouvelle mouture a perdu énormément en charme : elle parait très dépouillée comparée à son ainée, très monochrome et froide en l’absence de ses fameuses aiguilles « dorées », avec un nouveau logo et une typographie moyennement à mon goût également, sur un cadran que je trouve bien vide avec des indexes trop près du bord.
Bref, même en oubliant son prix stratosphérique, je passe. Je ne dois pas être le seul d’ailleurs car on ne trouve aucun exemplaire acheté sur bon nombre de forums horlogers…