Il y a peu de chance que l’on vous parle un jour, de la montre de Nadal ou de celle de Federer. Si vous suivez ce blog depuis un moment, vous l’aurez compris, ici on aime et on ne parle que des «classics». Bien sûr, à chacun ses classiques : les miens se situent dans les années 80. Une période où le tennis moderne, né avec Arthur Ashe, atteint son crépuscule avec John McEnroe. Une époque révolue où les tennismen n’étaient pas seulement des athlètes mais aussi des rocks stars avec leurs talents et leurs excès…
L’enfant terrible du tennis moderne
Pour ceux qui s’en rappellent, Big Mac était un rebelle, un punk, un surdoué anticonformiste : il ne faisait rien comme les autres. L’enfant prodige du Queens avait un style unique : un savant mélange de dons innés et de fureur de vivre qui l’opposait à l’élégante fluidité d’un Borg ou à la rigueur froide d’un Lendl.
Le style de McEnroe n’était pas seulement lié à son attitude fougueuse sur les courts. Un peu comme l’Omega présentée plus loin, McEnroe était un extra terrestre. Il avait un jeu à part : une technique qu’il avait inventée et qu’il était le seul à maitriser.
Tout part de sa prise de raquette continentale (dite «marteau»). Alors que l’académisme recommande d’adopter une prise de raquette différente en fonction des coups joués, John McEnroe utilisait la seule prise marteau pour tous les coups et tous les effets : coup droit, revers, service, lifté, slicé… John ne jouait pas avec sa raquette mais avec sa main : A partir de cette seule prise, il pouvait fournir un jeu très versatile en ajustant uniquement avec son bas et surtout avec son coup de poignet légendaire. Grâce à cette technique qui lui permettait de réduire son temps de préparation et à un placement de jambes en constant déséquilibre, John McEnroe pouvait prendre la balle très tôt, quasiment en demi-volée.
Une autre originalité de son jeu : une position de service illisible, presque dos au filet. Grâce à cette position extrême, McEnroe fouettait la balle avec un twist des hanches qui lui ouvrait des angles les plus vertigineux…
Enfin, McEnroe n’était pas que le sale gosse provocateur que le grand public retiendra. Sous le feu de la révolte se cachait un grand sentimental. Il respectait énormément Bjorn Borg, son plus grand rival. Il a été son ramasseur de balles puis celui qui mit fin à sa carrière. Il n’acceptera d’ailleurs jamais le départ de celui-ci des circuits et l’a sollicité à plusieurs reprises de revenir.
Comme Borg, McEnroe était un nostalgique : il s’accrocheront longtemps à leurs raquettes en bois, à une époque où tous leurs contemporains avaient déjà largement adopté les matériaux composites…
Une montre futuriste dessinée par le maitre du design horloger
Quand dans les années 80, Omega proposa un contrat au champion américain, il leur fallait alors trouver une montre qui puisse marquer les esprits. Une montre hors du commun qui serait à la hauteur de la réputation de John McEnroe. Des marques comme Ebel avaient déjà signé avec des stars de la raquette comme Stephan Edberg ou Yannick Noah. L’objectif marketing d’Omega était alors de retrouver un nouveau souffle en utilisant l’image à la fois prodigieuse et sulfureuse de l’enfant terrible.
Rappelons qu’à cette période, le quartz venu d’Asie avait fait pas mal de dégât sur le marché horloger traditionnel et chacune des grandes maisons suisses devaient opérer sa propre révolution sous peine de disparition.
Omega ne voulait prendre aucun risque et fit appel à l’illustre Gerald Genta qui n’était pas à son premier coup d’essai. Le designer horloger star avait déjà sévi en créant des chefs d’oeuvres comme la Royal Oak pour Audemar Piguet, l’Ingénieur pour IWC ou encore la Nautilus pour Patek Philippe. Genta connaissait déjà la maison puisque dix ans auparavant il avait déjà réalisé la Constellation pour Omega.
L’omega Seamaster Titane ne dérogera pas à la règle et on retrouvera dans cette montre tous les ingrédients qui ont fait la signature de Genta : une montre-bracelet intégrée où la boite et le bracelet ne font qu’un, coulé dans un métal froid façonné en bijou de l’homme moderne.
Comme son nom l’indique, la Seamaster Titane était une montre étanche à 120m réalisée en titane. Comme pour la Royal Oak, l’usinage, le polissage et le brossage du métal relève de la prouesse technique et a du nécessiter de longs mises au point et la conception d’outillages spécifiquement adaptés.
La Seamaster Titane embarquait un mouvement à quartz (ETA 1430) qui n’a pas marqué son temps. En fait la véritable originalité de cette montre venait de son aspect bi-matière par incrustation de métaux précieux comme l’or ou le palladium directement dans le titane.
Ce contraste des matières associé aux lignes futuristes dessinées par Genta fit de cette montre une des plus surprenantes de son époque. Cette montre au design tout droit sorti des films de science fiction participera à la relance de la marque Omega qui était alors en grande difficulté.
Puis comme tous les objets au design un peu trop avant-gardistes, avec le temps, ils furent peu à peu dépassés pour ne plus être que des objets de curiosité en état d’obsolescence avancée, seuls témoins nostalgiques d’une époque glorieuse révolue… un peu comme la légendaire Dunlop Maxply Fort, la raquette en bois de John McEnroe.
Tombée en désuétude et délaissée par les collectionneurs pendant des années, la Seamaster Titane Polaris entrera définitivement dans la légende en devenant la montre favorite de Nicolas Hayek…
Pour aller plus loin :
– L’excellent « Qui est vraiment John McEnroe ? » par Apolline Céleste
– sur ce même blog : « Horrible est le beau, beau est l’horrible », Audemars Piguet Royal Oak : le génie de Gérald Genta
– Le reportage HBO, « McEnroe/Borg, fire and Ice »
… et pour le plaisir, la finale d’anthologie à Wimbledon en 1980. McEnroe perdit en finale contre Borg après avoir éliminé Jimmy Connors et sauvé 5 balles de match. Cette rencontre est, dans la mémoire de tous, considérée comme le plus beau match de tennis de tous les temps. La même année, McEnroe prit sa revanche contre Borg en finale de l’US Open. Puis l’année suivante il remporta Wimbledon et mit fin à la carrière du suédois qui deviendra son ami.