Les héros vont toujours par deux. Il est difficile de parler de la Heuer Monaco sans évoquer la Heuer Autavia. Pendant que Steve McQueen jouait les pilotes sur les circuits de course, lui, il y jouait sa vie. Vivre vite et mourir jeune, voici maintenant, l’histoire de Jo Siffert.
Joseph Siffert couramment appelé «Jo» Siffert ou encore affectueusement «Seppi» par ses compatriotes pilotes, est né en 1936 à Fribourg en Suisse.
Doué dans toutes les spécialités, il commença sa carrière par des courses de moto en 125cm3 puis passe à la Formule 2 chez BMW, pour arriver ensuite, à l’endurance où il se forge un palmarès impressionnant en tant que pilote officiel chez Porsche. Il remportera les plus prestigieuses épreuves de la discipline : 12 Heures de Sebring, les 24 Heures de Daytona, les 1 000 km du Nürburgring, les 1 000 km de Monza…. Joseph Siffert est, avec 14 victoires en 41 courses, le pilote le plus titré de la fin des années 60.
Issus d’un milieu modeste, Siffert a commencé sa vie, comme Steve McQueen, en réparant des voitures.
A dix-sept ans, alors encore apprenti carrossier, il arrondit ses fins de mois en faisant des réparations, le soir, pour son propre compte et achète des véhicules accidentés qu’il retape pour les revendre.
Il conservera ce sens inné du commerce tout au long de sa carrière.
La légende dit que lui et son équipe ont commencé à écumer les circuits en dormant souvent à la belle étoile ou dans des hôtels miteux. En guise de repas, ils fumaient des cigarettes pour oublier la faim…
Les années de vaches maigres ne dureront pourtant pas très longtemps car Jo voulait réussir dans la vie et ne plus être pauvre. Il était d’un tempérament positif, il aimait la vie et la croquait à pleine dent. De nature enthousiaste Jo Siffert était doué d’une force de persuasion étonnante.
Nous avons pu évoquer le deal qu’il avait passé avec Jack Heuer pour promouvoir sa marque sur les circuits automobiles. Ce dernier qui dirigeait une maison horlogère basée à La Chaux-de-Fonds, avait déjà une bonne connaissance de ce milieu car durant ses études il avait participé à quelques courses de rallye sur le circuit suisse. A cette époque pas mal de voitures de courses utilisaient déjà des compteurs et des chronos de la marques Heuer. Jack alla s’installer aux Etats Unis pour y créer une filiale. Il commença à vendre des montres aux membres du Sports Car Club of America qui était en charge de l’organisation des courses sur le continent. C’est ainsi que Heuer sera choisie en 1960 pour être le chronométreur officiel des 12 Heures de Sebring.
S’inspirant des techniques de communication à l’américaine, Jack Heuer retourna en Suisse, dans le garage de Fribourg de Jo Siffert, pour lui proposer d’être le premier égérie horloger de l’histoire des courses automobiles.
Il s’est vite rendu compte qu’il ne s’était pas trompé en choisissant le pilote suisse. Jo Siffert, en fin négociateur, profita de l’occasion pour lui vendre à son tour une Porsche :
Quelqu’un comme vous ne peut quand même pas rouler en Alfa décapotable. Puisque vous êtes mon sponsor, vous devez conduire une Porsche.
Le deal qu’ils avaient passé ensemble tenait en deux volets. Outre le fait de servir d’homme sandwich en portant un écusson et une montre Heuer, Jo avait la possibilité d’acheter les montres de Jack à prix de gros, lui laissant une marge conséquente pour chaque montre vendue.
C’est ainsi que Jo se baladait toujours avec une collection d’Autavia avec lui, et petit à petit, il devint l’AD officiel de Heuer dans milieu très fermé des pilotes de courses. Très rapidement la marque et les montres Heuer sont devenues des incontournables du monde des courses automobiles. On a pu apercevoir sur le plateau du film le Mans, Steve McQueen avec une Autavia de Siffert puis une Monaco, voici ci-dessous une autre photo, avec cette fois, Derek Bell portant l’une des Autavia de Siffert.
Le nom d’Autavia, provenait d’une abréviation des mots AUTomobile et AVIAation. Ce nom n’était pas une création marketing des années 60 car dès 1933 des chronographes de tableaux de bord portant ce nom étaient déjà utilisés dans les cockpits des véhicules de course et ainsi que dans l’aviation civile. C’est en toute légitimité que Heuer appela dès 1962 ses chronographes de courses par le nom D’Autavia.
Jusqu’à en 1985, plus de 80 versions d’Autavia vinrent le jour avec 6 versions de boitiers, propulsés par 14 mouvements différents ainsi qu’une multitude de combinaisons de couleurs et de cadrans. Les premières versions à remontage manuel furent animées par les traditionnels V72 (3 registres) et V92 (2 registres) et V724 (GMT). elles furent ensuite remplacées par les Valjoux 7730 (2 registres) et 7732 (2 registres avec date), qui seront dans les années 70, elles- mêmes remplacées par les Valjoux 7733 (2 registres), 7734 (2 registres, avec date), 7736 (3 registres) etc…
L’Autavia de Jo Siffert (réf 1163T) faisait partie du haut de la gamme avec un cadran blanc et des aiguilles et accents d’index bleus. Elle était animée par le célèbre Chronomatic – calibre 11, premier (?) mouvement de chronographe à remontage automatique co-développé par le consortium formé par Heuer, Dubois Dépraz, Breitling et Hamilton-Buren.
Jo Siffert décéda en 1971 lors de sa 41é course à Brands Hatch. Après un léger accrochage au départ qui a endommagé sa suspension, celle-ci romput 15 tours plus tard au milieu d’une accélération à 260 km/h. Coincé dans son cockpit, Joseph Siffert meurt asphyxié.
Seppi vécut comme il mourut : à plus de 200 km/h.
Plus tard, Jack Heuer révéla que l’acteur Paul Newman, impliqué lui aussi dans les sports automobiles, demanda à porter un écusson Heuer sur sa combinaison dans le film Winning (Le virage), sans aucune contre partie financière mais par simple hommage à Jo Siffert.
Pour aller plus loin :
- Cet article est indissociable de l’article précédent intitulé : Steve McQueen – Le Mans : La véritable histoire de la Heuer Monaco racontée par Jack Heuer
- The Collectors Guide to Vintage Heuers
- Le projet 99 : à propos de la course au premier mouvement de chronographe à remontage automatique
- En ouverture de cet article : La biographie sur Jo Siffert-Live fast, die young, sortie en 2005
- L’intégralité de la biographie The time of my life de Jack Heuer est légalement téléchargeable ici
- Les chronos du monde des sports automobiles