L’histoire de Steve McQueen et de la Heuer Monaco, tout le monde en a plus ou moins entendu parler. Portée par l’acteur dans le film Le Mans (1971), la Heuer Monaco est dans l’histoire des courses automobiles ce que la Speedmaster est à l’histoire de la conquête spatiale.
Aléas du tournage ou fait du hasard, il s’en est pourtant fallu de peu pour que ce chronographe rate le rendez-vous avec son destin. Voici une version de l’histoire que peu de gens connait, révélée par Jack Heuer, himself, dans son livre autobiographique The Times of My Life.
En 1968, Joseph Siffert était le pilote en vogue sur les circuits de courses automobiles. Il venait de battre cette année là Jackie Stewart et Jacky Ikxx au Grand Prix d’Angleterre et avait remporté les 24h de Daytona ainsi que les 12h de Sebring.
Grand amateur de montres, Jack Heuer n’a pas eu beaucoup de mal à le convaincre de porter sa marque. Moyennant une prime de 25,000 francs suisses par an, Jo Siffert devait arborer un écusson Heuer sur sa combinaison de pilote et porter un chronographe Autavia à son poignet. Il avait en outre le privilège de pouvoir acheter les montres Heuer à des tarifs de grossistes et de les revendre à ses collègues dans les paddocks. Siffert était devenu le meilleur ambassadeur de Heuer dans le cercle fermé des pilotes de formules 1 et l’Autavia était bien partie pour devenir la montre la plus en vue sur les circuits de courses.
Deux ans plus tard, Jo Siffert et Derek Bell seront embauchés pour doubler McQueen et coacher l’acteur dans le pilotage de sa Porsche 917 . Une amitié s’est vite développée entre McQueen et Siffert sur le plateau du tournage.
Lorsque Don Nunley l’accessoiriste du film demanda à McQueen comment il voulait être habillé pour le rôle de Michael Delaney, McQueen n’hésita pas une seconde et lui dit qu’il voulait avoir exactement la même dégaine que son ami Siffert.
Les présences de Siffert et de Don Nunley avaient donc joué un rôle déterminant dans le placement des montres Heuer dans le film Le Mans.
Cette rencontre n’était pourtant pas le fruit du hasard car Jack Heuer connaissait Don Nunley avant le tournage du film. Il cherchait depuis un moment à placer ses montres dans un grand film hollywoodien et avait recruté Nunley pour le pistonner dès qu’une opportunité se présenterait.
Lorsque ce jour arriva, Jack Heuer comprit qu’il jouait là le coup de sa carrière et qu’une telle chance ne se représenterait pas une deuxième fois. Il avait à peine deux semaines pour rassembler et envoyer en France les montres, les compteurs et autres accessoires de chronométrie que Nunley lui avait demandés. Quand il réalisa qu’il n’avait pas assez de temps pour préparer les documents nécessaires à l’importation temporaire, il décida d’envoyer en France un de ses employés livrer le matériel dans sa voiture personnelle. Il lui donna de l’argent pour les frais du voyage et lui demanda de ne pas déclarer les montres à la douane. Bien sûr, celui ci-fut contrôlé et dut payer les amendes en plus des droits de douanes. Malgré cela, le matériel arrivera à bon port sur le plateau de tournage du Mans.
Au moment de choisir les montres, McQueen refusa tout d’abord l’ Omega que Nunley lui avait tendue car il se méfiait des grandes marques qui voulaient se faire de l’argent sur sa notoriété. Heuer était encore une marque peu connue du grand public. Le choix s’est ensuite fait assez naturellement car McQueen portait déjà la combinaison siglée « Heuer » que Jo Siffert lui avait prêtée. Il fut logique que le personnage que jouait McQueen porte aussi une montre de cette marque. Et puisqu’il fallait choisir une Heuer, autant choisir l’Autavia que portait aussi Jo Siffert et que la marque avait prédestiné aux courses automobiles.
Le sort en a décidé autrement car parmi les montres que Jack Heuer avait eu le temps de rassembler, la Monaco (qu’il venait juste de mettre au point) était le seul modèle qu’il avait fourni en trois exemplaires : une pour les scènes de tournage, une pour les prises de vue statiques et une dernière, de rechange, au cas où les autres devaient être endommagées.
C’est ainsi et aussi simplement, que la Heuer Monaco vola la vedette du chronographe le plus emblématique du monde des courses automobiles, rôle qui était prédestiné, dès le départ, à la Heuer Autavia.
Cette montre carrée, sans lunette tachymètrique n’a pourtant pas initialement été conçue pour les paddocks.
Pour restituer le contexte : à cette époque, quelques fabricants fournissaient des composants pour toutes les marques et les collaborations entre différentes maisons horlogères étaient monnaie courante.
En 1969, la course pour le premier chronographe automatique faisait rage entre Zenith, Seiko et le consortium formé par Heuer, Dubois Dépraz, Breitling et Hamilton-Buren. Ces derniers avaient co-développé ensemble le désormais célèbre calibre 11, aussi appelé Chonomatic.
Malgré cette collaboration, ils restaient néanmoins des concurrents et Jack Heuer avait besoin de trouver un atout de taille qui lui permettrait de se démarquer et de prendre définitivement l’avantage sur ses rivaux.
Cette nouveauté, il la trouva auprès de la société Piquerez SA, maison célèbre pour avoir créé le boitier Super Compressor qui équipait bon nombre de montres de plongée de l’époque. Lorsque les designers de Piquerez présentèrent ce nouveau boitier carré, étanche, aux formes avant-gardistes à Jack Heuer, celui-ci y vit immédiatement le boitier idéal pour lancer son futur calibre 11. Il leur acheta de suite l’exclusivité des droits de commercialisation et y fit enregistrer plus tard le modèle déposé.
La Heuer Monaco était née, vous connaissez maintenant la suite de l’histoire…
Pour aller plus loin :
- Cet article est indissociable de l’article : Vivre vite et mourir jeune, Jo Siffert et son Heuer Autavia
- L’intégralité de la biographie The time of my life de Jack Heuer est légalement téléchargeable ici
- Tous les gardes temps Heuer présents dans la film Le Mans
- A propos du Chronomatic aussi appelé Calibre 11
- Steve McQueen aux 24 heures du Mans – Archive vidéo INA
- Les autres montres de Steve McQueen
- A lire aussi sur moonphase : Benrus DTU-2A/P : la montre de Steve McQueen alias Franck Bullitt
- Les chronos du monde des sports automobiles
Sur le plateau du film, McQueen se déplacait aussi en …. Solex :
Daniel Candaux
Etant horloger depuis 1961, engagé comme prototypiste chez Dubois & Dépraz SA au Lieu, Vallée de Joux, j’ai eu le plaisir de mettre au point le calibre 11 pour Heuer, Breitling et Hamilton. Et, le 16 mars 1969, avec M.Gérald Dubois, mon patron, j’ai eu le privilège de remettre à Jo Siffert, la montre chronographe automatique que j’ai terminé le remontage du mouvement et l’emboîtage, et avec M.Jack Heuer, à la foire de Bâle. Quels souvenirs impressionnants pour un jeune horloger passionné de montres, courses automobiles et aviation.
Avec mes amicales salutations à MM: Jack Heuer et Gérald Dubois.
Daniel Candaux
Maertens
Bonjour,
Je cherche des renseignements sur la version Dashboard super Autavia car mon beau père faisait de la voltige Aérienne et avait acquis ce chronographe que j’ai en ma possession.
Malheureusement il s’est arrêter il y a quelque jour. et je ne sais pas quoi faire.
J’aimerai aussi pouvoir remonter un peu son histoire année de fabrication, achat.
Il y a très peu de renseignement sur cette gamme de super Autavia (Dashboard) sur Internet.