Avec le développement des vols transcontinentaux et la traversée de plusieurs fuseaux horaires en un temps réduit, une montre en particulier est devenue la favorite des pilotes. S’agissant bien sûr de la GMT Master, on aurait pu évidement citer la collaboration de Rolex avec la Pan Am, ou encore évoquer Chuck Yeager, pilote de l’US Air Force, ainsi que tous ses pairs qui ont gardé leur GMT Master en rejoignant les rangs de la NASA.
Au lieu de cela, j’ai préféré vous parler de Sheila Scott, une aviatrice britannique, pionnière et aventurière, comme l’on été Mercedes Gleitze ou encore Francis Chichester, chacun à leur époque.
Née en 1922 dans le Worcestershire anglais, Sheila Christine Hopkins gardera son pseudonyme de «Sheilla Scott » après une courte carrière au cinéma. C’est à l’âge de 36 ans qu’elle prendra des cours de pilotage pour devenir, 8 ans après en 1966, la première aviatrice britannique à effectuer un vol en solitaire autour du monde sur un avion mono-moteur. Première femme à avoir survolé le pôle nord, elle parcourra au total 49 890 kilomètres en 189 heures de vol consécutives.
Dans sa carrière, elle aura battu plus de 100 records de vol en solitaire dont celui du plus long vol sans escale, en réalisant un aller-retour entre Londres et Cap Town sans atterrir.
Alors que le concept du « Greenwich Mean Time » fut créé dès 1884, c’est en 1960 que les horloges atomiques américaine et anglaise furent synchronisées pour donner l’« Universal Time Coordinated ». L’heure UTC deviendra alors l’heure référent de tous les pilotes du monde qui devront avoir ce repère temporel en permanence à portée de vue.
Revenons à la première Rolex GMT Master (réf. 6542). Elle fut créée dès 1955 à partir d’une Turn-O-Graph (réf. 6202) sur laquelle le calibre et la lunette ont été modifiés. L’idée était à la fois simple et ingénieuse : les horlogers de Rolex avaient ajouté à la Turn-O-Graph une deuxième aiguille des heures qui tournait deux fois moins vite, faisant une seule révolution sur une période de 24 heures. Ces 24 heures étaient graduées sur une lunette bicolore dite « Pepsi », divisée en deux hémisphères de 12 heures, une bleue pour la nuit et une rouge pour le jour.
Grâce à sa facilité d’utilisation, la GMT Master supplantera toutes les autres montres de pilotes dans l’aviation civile, militaire et même dans certaines missions spatiales.
Sur les premières générations dites « GMT » (jusqu’à la réf. 16700), les deux aiguilles des heures étaient solidaires l’une de l’autre, tournant en tandem lorsqu’on réglait l’heure locale. Le réglage du deuxième fuseau se faisait alors par la lunette 24h.
La génération suivante appelée « GMT 2 » (à partir de la réf. 16710), grâce au calibre 3185 qu’elle partage avec l’Explorer 2, bénéficiera d’un réglage des heures indépendant. Elle offre ainsi, avec la lunette tournante, un 3é fuseau horaire supplémentaire.
En 1968, Sheila Scott deviendra officier de l’Ordre de l’Empire Britannique. Un an plus tard, Ian Fleming lui rendra hommage en créant le personnage de Pussy Galore, la pilote et complice d’Auric Goldfinger, qui donnera la réplique à James Bond dans le roman « Goldfinger – opération chloroforme ».
On notera que la vraie Sheila Scott portait une GMT Master réf. 1675 (lunette à insert en aluminium et protège couronne) alors que Pussy Galore apparait dans le film Goldfinger avec la toute première version de la GMT Master (réf. 6542), avec insert « Bakélite », sans protège couronne.
Ironie du sort, c’est seulement en 1971, après quatre essais en douze ans que Sheila Scott obtiendra enfin son permis voiture. Elle vivra plus tard dans la pauvreté, oubliée de tous dans un petit studio à Londres et décédera en 1988 à l’âge de 60 ans en livrant un dernier combat contre le cancer du poumon.
Pionnière, visionnaire, femme, aviatrice, exploratrice, Sheila Scott était tout cela à la fois. Autant de facettes de ce personnage exceptionnel qui devraient la placer, tout en haut du panthéon des icônes Rolex.
Pour aller plus loin :
- gmtmasterhistory.com, un site consacré à l’histoire de GMT Master et à ses différentes évolutions.
- Les histoires Rolex sur Moonphase
- Les histoires d’aviateurs sur Moonphase
Gerry
Quelle dame et quelle élégance ! J’adore vos articles surtout ceux consacrés aux femmes. Et cette GMT !
Moonphase
Merci Gerry,
j’ai aussi souvent pensé que les gens de cette époque avait un goût impeccable.
Mais cela est sûrement dû au prisme à travers lequel nous voyons les choses du passé et j’ose espérer qu’à l’avenir les gens diront la même chose de nous maintenant. Espérons-le 😉
Max
Au delà de l’histoire de l’horlogerie, Moonphase me fait découvrir des personnalités qui ont marqué l’Histoire, et pas seulement l’histoire de l’horlogerie !
Merci pour cette belle découverte.
Moonphase
Merci Maxime pour vos encouragements.
Sans ces histoires, les tocantes ne serviraient juste qu’à donner l’heure. Un peu triste, en effet ! 😉
Laurence
Merci cher Simon de nous rappeler ces femmes qui ont aussi participé à l’épopée de l’horlogerie… et dont on entend si peu parler car la mythologie d’une marque ne se construit qu’avec des histoires et des montres d’hommes. Hélas.