Hans Wilsdorf, le fondateur de Rolex, n’était ni suisse ni horloger. Mais il était un redoutable entrepreneur et un formidable homme de marketing. Pionnier du placement produits, il avait réussi, dans les années 20 un coup de com’ génial grâce aux exploits sportifs d’une dactylographe anglaise du nom de Mercedes Gleitze… .
En 1927, une jeune secrétaire de Manchester fit les gros titres des journaux américains pour être devenue la première femme anglaise à avoir franchi la Manche à la nage, sans assistance.
Cela peut sembler presque anodin de nos jours, mais à cette époque là, ce genre d’exploit était réservé à une poignée de sportifs de haut niveau, en majorité des hommes, souvent issus de milieux aisés.
Depuis sa première tentative en 1922, durant cinq ans, Mercedes Gleitze a du économiser sur son salaire de dactylographe pour financer ses traversées. A sept reprises elle échoua.
En 1926, la presse rapporta même que la jeune anglaise fut retirée de l’eau contre sa propre volonté. Au bord de l’épuisement, après onze heures de nage, celle-ci commençait à perdre la raison. Son coach qui craignait pour sa vie, préféra l’extraire de force de l’eau glacée à l’aide d’un lasso.
C’est enfin à son huitième essai, le 7 octobre 1927, que Mercedes Gleitze atteignit, sans aide, les côtes anglaises. La presse américaine qui était intriguée par ses origines modestes et sa ténacité fit d’elle un symbole de libération et d’émancipation féminine.
Malgré cet exploit, la très conservatrice ‘English Channel Swimming Association’ refusa de valider la performance pour cause de ‘témoins insuffisants’.
Nullement découragée, Mercedes Gleitze décida d’embarquer pour une nouvelle traversée afin de défendre l’authenticité de son exploit. Le nouveau monde avait une passion pour les aventuriers, les success story et cette jeune femme au visage avenant, à l’esprit combatif avait conquis le coeur du public en devenant la coqueluche des médias américains.
Devant ce battage médiatique, Hans Wilsdorf, qui venait d’inventer le boitier étanche ‘Oyster’, vit en cette jeune femme une immense opportunité de montrer au monde entier la fiabilité de son invention.
L’étanchéité de l’Oyster de Rolex était assurée par une lunette et un couvercle, tous deux vissés à l’avant et à l’arrière du boitier. Le dispositif était complété par une couronne vissée à la manière d’une écoutille de sous marin qui provenait d’un brevet que Wilsdorf avait acheté à deux suisses : Paul Perregaux et George Pelleot. Plus tard en 1930, pour éviter l’usure prématurée de cette couronne qui représentait un risque pour l’étanchéité de la montre, Rolex inventera le remontage automatique dit ‘perpétual’.
A cette époque, la marque Rolex n’avait pas encore la réputation qu’elle possède maintenant et Hans Wilsdorf s’est dit que s’il arrivait à convaincre Mercedes Gleitze de porter l’une de ses montres lors de cette fameuse traversée, il gagnerait alors une notoriété qu’aucune publicité ne pouvait lui offrir.
C’est ainsi que deux semaines plus tard, Mercedes Gleitze repartit à la conquête de la Manche. Lorsqu’elle entra dans l’eau des côtes brumeuses du Cap Gris Nez, tous les journalistes furent intrigués par cette mystérieuse petite montre en or accrochée à son cou par une chaine.
A l’issue de la traversée, Mercedes envoya ce témoignage à Wilsdorf qui le reçu comme une bénédiction :
«Vous serez heureux d’apprendre que la montre Rolex Oyster que j’ai emmenée dans ma traversée de la Manche s’est révélée être un garde temps fiable et précis. Et ce, malgré qu’elle ait été immergée complètement pendant des heures dans l’eau de mer à une température souvent inférieure à 10°C. Sans parler des chocs incessants qu’elle a reçus… . Les journalistes ont été impressionnés et je suis, bien sûr, ravie.»
Le lendemain, Wilsdorf acheta une pleine page de couverture du Daily Mail et y fit publier une publicité qui associe les montres Oyster à l’exploit de Mercedes Gleitze. On remarquera que l’exploit de Mercedes Gleitze ne couvre qu’à peine le premier quart de la page ; le reste est consacré aux différents modèles de la marque, en particulier les montres de cocktails pour dames.
Cette histoire fait désormais partie du patrimoine de la marque Rolex qui lui a rendu hommage en 2010 à travers cette publicité où elle a pris quelques libertés par rapport aux faits historiques.
Plus tard, Mercedes Gleitze continua à enchainer les exploits de par le monde : elle fut, entre autres, la première personne à franchir le détroit de Gibraltar (après 6 tentatives) ainsi que celui des Dardanelles… .
Les gains de ses exploits fut reversés à des oeuvres caritatives grâce à la fondation qu’elle a crée : la ‘Mercedes Gleitze Homes for Destitute Men and Women’.
L’Oyster de Mercedes Gleitze a été vendue aux enchères en 2000 par Christie’s.
Montrezine
Très belle histoire, mêlée d’exploit, d’émancipation et d’un très beau coup de com. pour Rolex.
L’histoire ne dit pas pourquoi Mercedes Gleitze portait la montre autour du cou ?
Moonphase
Merci de votre contribution.
En effet, l’histoire de la montre autour du cou reste une zone d’ombre dans cette histoire, selon le London Times du 21 octobre 1927 Mercedes Gleitze portait bien cette montre autour du coup. http://rolexblog.blogspot.fr/2008/12/history-of-rolex-oyster-perpetual.html
Le site Rolex français parle lui d’une montre portée au poignet de la nageuse anglaise.
http://www.rolex.com/fr/about-rolex/rolex-history/1926-1947.html
Le site anglais de Rolex, quant à lui ne précise pas si elle été portée autour du cou ou au poignet. http://www.rolex.com/about-rolex/rolex-history/1926-1947.html
La montre vendue chez christie’s avait, elle, bien un bracelet…
http://www.christies.com/lotfinder/LotDetailsPrintable.aspx?intObjectID=1817519