Internet : lieux de perditions horlogères

Que faisait-on le dimanche soir avant l’invention de la télévision ? Comment faisait les gens pour se rencontrer avant le minitel ?

Et que diront dans 100 ans, les historiens et sociologues à propos de la date d’apparition des premières communautés horlogères ?

J’ai bien un théorie la dessus : jusqu’à preuve du contraire, je dirais qu’avant l’apparition d’internet il n’y avait rien.

Avant internet, toute cette mascarade n’existait pas :

  • On allait chez le bijoutier du coin, on se faisait refiler la première toquante à quartz à choisir parmi 3 autres bouzes
  • Les montres bon marché s’appelaient Kelton, Yema, Yonger & Bresson et il y avait encore des pubs de montres à la télé
  • Avant internet on ne parlait pas de montre avec d’autres gens, c’était tabou
  • On ne parlait pas encore de vintage mais d’occasion
  • Pour avoir une fausse Rolex il fallait prendre l’avion et aller à Marrakech
  • Avant internet, on arrivait à faire des économies
  • Avant internet, on payait en cache, après aussi d’ailleurs
  • Le tuning était un truc de beaufs, maintenant c’est un truc de geeks
  • Avant internet ,on n’avait pas de pseudo, pas de login ni de password
  • « Wristshot » était un terme pornographique…
follow-the-white-rabbitEt puis, heureusement un jour le lapin blanc est apparu et nous l’avons suivi. Nous avons choisi la pilule rouge et la matrice horlogère s’est alors ouverte à nous.
Comme dit Morpheus, « c’est une prison pour votre esprit, malheureusement personne ne peut vous montrer la matrice, vous devez voir par vous même… et il n’y pas de retour possible ».
Alors chers lecteurs égarés, ceci est un dernier avertissement. Après, il sera trop tard. Continuez la lecture uniquement si vous acceptez d’abandonner votre âme.
Vous êtes toujours là ? bienvenue au pays des merveilles :

Pour commencer vous devez  d’abord acquérir quelques  termes et notions de bases pour au moins savoir de quoi on parle.

Ensuite, on écoute en silence et on regarde religieusement comment font les anciens. On apprend beaucoup en regardant les autres. Pour les Francophones, cela se passe ici ou au bar d’en face (c’est le nom de code), mais aussi ici et .

Puis un jour, on se présente timidement, on se renseigne, on tape la discute et de post en post on se fait pleins d’«amis». C’est une communauté assez bizarre vue de l’extérieur, avec ses propres codes et rituels. Certains aiment les subs, d’autres préfèrent les speeds, il y a ceux qui aiment les « roro » et ceux qui les détestent. Bien sûr, tous ces gens changent d’avis comme de chemises. Ils se congratulent souvent et se chamaillent parfois. C’est en quelque sorte une grande famille.

Entre temps on aura bien noté ceux qu’il faut soudoyer (les modos) et ceux qu’il faut éviter à tout prix.

Après s’être fait aider sur le choix l’objet de vos désirs, vient alors le moment de faire le premier pas. Choisissez d’abordle petit bain. Entendez par «petit bain» un endroit censé être plus sûr, où on devrait être entre gentlemen. Les transactions se font en langue française, souvent en face à face autour d’un café ou d’une bière, entre passionnés.

Si plus tard, votre anglais vous le permet et si votre instinct vous attire vers le grand large : vous pouvez alors aller tenter l’aventure sur la fameuse « baie ». Frissons garantis.

La baie dont tout le monde parle mais dont personne ne prononce le nom, est un endroit qui fait penser un peu aux puces de Saint-Ouen, mais à une échelle planétaire. L’avantage c’est que l’offre y est foisonnante, avec ses pigeons et ses requins. Il faut être avisé, mais si on est prudent, entre les fake et les frankenwatch on trouve aussi des pépites vendues par des marchands sérieux et intègres. En voici deux (ici et) que j’ai personnellement essayés avec bonheurs.

Petit à petit, vous prenez de l’assurance, vous devenez expert en envois et droits de douane internationaux. Chaque matin, vous parcourez les sites d’annonces en prenant votre café comme d’autres hument les marchés en lisant le Wall Street Journal. Pour ne rien rater, vous utiliser les alertes et des moteurs de recherche spécialisés. Il en existe aussi pour les tablettes et les mobiles au cas où vous serez en déplacement.

Vous êtes maintenant accrocs et vous avez besoin de votre dose quotidienne. Chaque jours vous bavez devant votre écran comme d’autres bavent devant les playmates sur papiers glacées. Et quand le manque devient trop insoutenable, vous vous sustentez d’un petit fix avec les images d’amateurs sur #watchporn.

Petit à petit vous êtes devenu une autre personne. Votre boite à montres s’est entre temps remplie aussi vite que s’est vidé votre compte en banque.

Heureusement, vos nouveaux amis sont toujours là pour vous soutenir en ces moments difficiles. Dans cette communauté, on se la mesure et on se la montre facilement. Pour savoir qui a la plus grosse on pratique le « wristshot » (photos de son poignet prise avec son téléphone portable). Il y en a qui aussi qui combine les disciplines avec les « car wristshot » et d’autres qui se transforment en contorsionniste avec le « wrist-pocket-shoe wear ». Il y en a même qui font du tuning comme avec les bagnoles. De vrais gosses je vous dis !

Et puis un jour, le moment tant redouté arrive. Quand le charme n’opère plus, il faut alors se séparer. Qu’à cela ne tienne. Il suffit de retourner là où on l’a acheté pour la repasser à un autre passionné qui s’empressera de vous la racheter si sa CHI est suffisamment forte. Inutile de prétexter un soit disant erreur de casting. Tout le monde est habitué à ce petit jeu, qui dure maintenant depuis des lustres…

Comme je vous disais en début de ce billet, avant l’apparition d’internet toute cette mascarade n’existait pas. Voici au moins un sujet sur lequel les nostalgiques ne pourront dire que c’était mieux avant. Et si vous jamais voyez passer le lapin blanc, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

PS : Cet article est un hommage à une communauté qui m’a procuré beaucoup de bons moments et qui continue de m’inspirer chaque jour.

 

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