Vous l’avez remarqué, les histoires horlogères racontées sur ce blog ne sont que des prétextes pour mettre en lumière de véritables aventures humaines, celles de femmes et d’hommes dont le courage et l’abnégation les ont menés bien au delà de leur destination. En voici une qui ne déroge pas à la règle. C’est l’histoire d’un vieil homme frêle de 65 ans, qui suite à une rémission de son cancer des poumons, décide de s’attaquer au record du tour du monde à la voile en solitaire.
Nous sommes en 1967, voici l’incroyable histoire d’un navigateur hors du commun, celle de Sir Francis Chichester.
Né en 1901, Francis Chichester a vécu une enfance pauvre dans le Devon, au sud de l’Angleterre. Véritable self made man, il enchaina les métiers tout au long de sa vie et fonde vers la quarantaine une compagnie de cartographie.
Aventurier dans l’âme, c’est dans les airs qu’il fit ses premières armes en tentant de battre des records de vols en solitaire avec un biplan. Engagé dans la RAF pendant la seconde guerre mondiale, Il rédigera un manuel permettant aux pilotes seuls de survoler l’Europe en utilisant des outils de navigation « sur les genoux ».
Ce n’est finalement assez tard, vers 55 ans, que Francis Chichester découvrit la navigation en mer. A la même époque, en 1958, on lui diagnostique un cancer du poumon en phase terminale. Celui-ci entre en rémission grâce à un régime végétarien stricte imposé par sa femme.
En 1967, c’est un homme chétif et âgé de 65 ans qui décide s’attaquer à un tour du monde en solitaire d’Ouest en Est avec une seule escale. Il choisit d’utiliser la traditionnelle route des clippers en passant par les grands caps Horn et Bonne Espérance.
Cette route était jadis empruntée par des navires rapides de 4 mats, nécessitant un équipage d’une cinquantaine de marins. Ces grands Clippers étaient conçus pour affronter des rafales à plus de 200 km sur les mers déchainées du Cap Horn.
Le plus incroyable dans cette histoire, c’est que Chichester est parti seul avec son ketch (Gipsy Moth IV) prévu pour un équipage de huit homme. Il battra le record du monde en solitaire en 266 jours. A bord, il avait emporté avec lui des rations alimentaires végétariennes préparées par sa femme, des cartes, un sextant et … une montre.
La navigation astronomique avec un sextant et une montre
Ce n’est que beaucoup plus tard, en 1983, que le président Ronald Reagan, à la suite d’un crash de Korean Airlines, propose que la technologie GPS soit disponible gratuitement aux usages civils. Avant cela, n’importe quel marin devait maîtriser la navigation astronomique pour faire sa route. Cette technique de navigation, mise au point dès la Renaissance par les portugais, perdurera jusqu’à la fin du 20è siècle.
Sans rentrer dans les détails, la navigation astronomique est une technique qui consiste à déterminer sa position à l’aide de l’observation des astres et la mesure de leur hauteur (c’est-à-dire l’angle entre la direction de l’astre et l’horizon).
Toujours sans rentrer dans les détails, il faut retenir que le calcul de la position d’un navire nécessite l’emploi d’un sextant, la consultation d’éphémérides, un identificateur d’étoiles, ainsi que la mesure exacte de l’heure.
Cette dernière information (l’heure) n’étant pas ni donnée ni calculée mais mesurée, se devait donc d’être la plus précise possible. Dans la plupart des navires, l’heure exacte est souvent donnée par de massives chronomètres de bord situés à l’intérieure de la cabine, souvent près de la table des cartes.
L’exercice devient tout de suite plus compliqué pour un navigateur en solitaire, partagé entre le pont où il fait ses relevés avec son sextant et la cabine où se trouve le chronomètre pour noter l’heure de la relevée. Au delà d’être fastidieux, les aller-retours incessants entre le pont et la cabine pouvaient générer des sources d’erreurs.
C’est ainsi que pour avoir l’heure exacte au moment précis de ses relevés, Sir Francis Chichester avait opté de remplacer l’horloge de bord par une montre poignet, en l’occurrence, une Rolex Oyster Perpetual. Cette montre était réputée pour sa précision, sa fiabilité et surtout pour l’étanchéité légendaire de son boitier Oyster. Ce dernier critère était au moins aussi important que la précision si l’on prend en compte que certaines relevées se faisaient sur un pont extérieur battu par les flots dans des creux de plus de 15m !
Francis Chichester sera nommé Chevalier commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique par Élisabeth II qui utilisera pour l’anoblir une épée ayant appartenu à Francis Drake (le premier Anglais à avoir fait le tour du globe).
Il continuera à naviguer et à tenter d’autres exploits jusqu’à l’âge de 71 ans et mourra finalement de son cancer du poumon à Plymouth le .
Pour aller plus loin :
PALLUD Francois
Bravo pour cet article sur ce marin exceptionnel
Moonphase
Merci François, à très bientôt donc 🙂
Julien
Une fois de plus vos articles démontrent à quel point il y a un décalage d’image de cette marque qui était choisie à l’époque uniquement pour sa fiabilité et non comme marqueur social. Bravo aussi pour votre blog.
Moonphase
A tool not a jewel ! ou les 2 tout simplement. Il faut voir ça comme un atout. A l’instar d’une Range ou d’un Leica, on ne devient pas un classique par hasard. Dans notre cas c’est : Classic but chic .
Je vous invite à lire cet article sur le paradoxe des toolwatch.
Et merci pour le commentaire !
Lorent
Encore une histoire incroyable que je ne connaissais pas. Merci Moonphase ! continuez !