Design Horloger : la saga des anses lyres, de la Polerouter à la Speedmaster (Huguenin Frères inside)

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Gerald Genta serait-il le père de la Speedmaster moderne ? C’est peut être aller un peu vite en besogne. Loin de moi aussi l’idée de vouloir polémiquer un demi siècle après les faits, mais le faisceau d’indices est suffisamment troublant pour qu’une vérification s’impose. Tout a commencé au détour d’une discussion de comptoir avec l’ami Marc qui pointe du doigt d’étranges concours de circonstances et l’évidente ressemblance entre les anses de la Speedmaster et celles de la Polerouter.

En nous replongeant dans le contexte historique de l’époque, les choses deviennent beaucoup plus évidentes. Voici donc la timeline d’une rencontre imaginaire : celle d’un chronographe qui deviendra l’icône horlogère de la conquête spatiale et d’un jeune designer prometteur, qui se seraient tous les deux croisés au début des années 60.

 

1954, Naissance de la Polerouter

Début des années 50, la société Universal Genève, spécialisée dans la fabrication de chronographe, fait appel à un jeune Designer de 23 ans du nom de Gerald Genta pour dessiner sa future montre « Sport Luxe ». De cette collaboration naitra la Polerouter (voir notre article), dont une des originalités vient de ses anses « tournées », aussi dites « anse lyres facettées » ( beveled lyre lugs ou encore twisted lugs).

Notons que le fond de boite des Polerouter possède le marquage « HF », signature de la société Huguenin Frères, fabricant de boitiers basé au Locle en Suisse.

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1957, naissance de la Speedmaster CK2915

Fin des années 50, Omega lance simultanément la la Seamaster (réf. CK2913), la Railmaster (réf. CK2914) et Speedmaster (réf. CK2915) toutes 3 dessinées par Claude Baillod. Signes distinctifs communs aux trois modèles : les aiguilles « Broad Arrow » et un boitier symétrique à anses droites. Contrairement aux chronographes de l’époque (Breitling Navitimer, Enicar Sherpa Graph …), Omega innove en proposant une échelle tachymètrique placée à l’extérieur du cadran, sur une lunette fixe.

Comme la Polerouter, le boitier de la CK2915 est aussi fabriqué par la société … Huguenin Frères.

1963, la Speedmaster adopte des anses lyres et une nouvelle lunette tachymètrique

Au début des années 60, la lunette acier de la Speedmaster devient une lunette noire peinte (1962) avec plusieurs variantes disponibles : tachymètre, pulsomètre et télémètre.

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photos Bulang & Son

Elle quitte aussi son boitier symétrique de 38mm pour une boite asymétrique avec protèges poussoirs et des anses lyres facettées similaires à celles de la Polerouter dont elle partage le même fabricant de boitier. A la même période la Seamaster 165.0024 adopte elle aussi des anses lyres. Sur les fonds des boites : l’omniprésente marque « HF ».

1965, naissance du chronographe Universal Genève Compax, dit « Nina Rindt » avec anses lyres et lunette « DON »

La société Huguenin frères, toujours à la manoeuvre, équipe la réf. 885103-02 d’Universal Genève (voir notre article) d’une boite symétrique de 36mm aux anses lyres similaires à celle de la Polerouter, de la Speedmaster et de la Seamaster 300. Chose encore plus surprenante, la « Nina Rindt » est proposée avec une lunette tachymètrique peinte identique en tout point à celle de la Speedmaster.

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Universal Genève « Nina Rindt » avec boitier à anses lyres fabriqué par Huguenin Frères et lunette tachimètrique « Dot over Ninety »

Pour les plus plus « nerds » d’entre vous, on observera que la lunette de l’UG possède toutes les caractéristiques de la très rare lunette « DON » de la Speedmaster ‘Ed White’ 105.003. A savoir : point au dessus du 90 (Dot Over Ninety), point en dessous du 70 et accent sur le mot « tachymètre » .  Avec cette lunette et son Valjoux 72, l’UG « Nina Rindt » se révèle être le fruit d’un croisement des deux chronographes les plus célèbres de tous les temps : la Daytona et la Speedmaster.

Eberhard Scafograf 300 : le dernier avatar

A la même période, la société Eberhard lance un concurrent à Seamaster 300 165.0024. La Scafograf 300 possède un boitier aux anses lyres qui ressemble en tout point à celui de son rival.

Il n’y a plus de suspense, la fond de boite est aussi signé Huguenin Frères (HF).

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Que faut-il conclure  de tout ça ? De toute évidence,  les principes de base relatifs à la propriété industrielle n’était pas la première préoccupation des gens de chez Huguenin Frères. Contrairement à Piquerez SA qui avait vendue l’exclusivité du boitier de la Monaco à Eddy Heuer (voir notre article), les anses lyres inventées par Genta se sont bel et bien retrouvées sur pas mal de montres de l’époque.
Fort heureusement, il ne suffit pas pas de rassembler les meilleurs ingrédients pour que la soupe soit bonne. Et de toute ces montres, seule la Speedmaster a survécu au temps avec le succès que nous lui connaissons – avec ou sans les anses lyres. L’honneur reste sauf.

Merci à Marc pour ce café matinal qui nous a conduit à cet article ainsi qu’à Tahar pour ses explications sur les lunettes « DON ».

 

Pour aller plus loin :

Le Space Age design selon Richard Arbib et le Bahaus horloger de George Horwitt

2 Comments

  • Répondre novembre 14, 2016

    Mickael

    Passionnant ! L’UG « Nina Rindt » est vraiment une merveille…

  • Répondre décembre 29, 2016

    Pierre Chaverlange

    Pffff et moi qui était resté au design Gerald Genta influençant les Ap, iwc ingenieur et diverses Hublot !!!
    Ravi d’apprendre encore et encore….
    Un grand merci !

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